Shaman Ozalee ~ouvrez vos chakras~

« On ne savait pas d’où elle venait, ni qui elle était. Il était probable qu’elle ne le sache pas non plus. Le seul chemin qu’elle semblait connaître menait à la Tour du Savoir. On la laissait emprunter des livres parce qu’elle nous faisait de la peine à venir sans arrêt, pointant le bout de son masque à chaque nouveau jour qui se levait. Et elle lisait. Elle lisait sans arrêt. Le pire, c’est qu’elle en avait dans la cervelle, la gamine. Mais qu’est-ce qu’on y pouvait, nous ? Des orphelins, il y en avait partout. Pourtant, avec les autres érudits de la Tour, on s’étaient habitués à la voir. On s’inquiétait lorsqu’elle disparaissait des jours durant. Elle parlait peu, surtout d’elle-même, c’est vrai ; or sa présence était devenu une habitude et les habitudes portaient en elles ce côté rassurant. On l’appela Ozalee, car elle n’avait pas de nom ou du moins, elle ne s’en souvenait pas.

Oza’ grandissait vite, disparaissait de plus en plus souvent et de plus en plus longtemps, mais elle ne cessa pas pour autant de fréquenter la Tour. Elle nous apportait des onguents fabriqués par elle-même pour améliorer notre vue ou soulager notre dos ou encore pour faciliter la concentration.

Un jour, je lui parlais d’un concours de potions organisé par Dargo le Sage en personne. Il recherchait un nouvel apprenti. « Encore un », me dis-je. J’encourageais Oza’ à y participer. Seulement, au fond de moi, je craignais qu’en réussissant, elle ne revienne plus à la Tour… », Un Shaman, gardien de la Tour du Savoir.

« Etrange. Voilà la première pensée qui me vint à l’esprit, lorsque je me présentais à elle, comme il seyait à mon rang. J’avais fait de même avec tous les autres candidats du concours, or celle-ci me laissa une curieuse impression que même le temps ne sut effacer. Moi, j’avais l’honneur de figurer parmi les chanceux apprentis de Dargo le Sage. Elle, elle ressemblait plus à un esprit vivant au fin fond d’une forêt qu’à une sage magicienne. Puis elle me paraissait bien jeune pour se présenter à un tel évènement. Personne ne la connaissait, contrairement aux érudits que j’avais salué. Et malgré toutes les apparences, cette Ozalee en savait beaucoup sur les charmes ; elle se donnait facilement des airs spirituels. Devant son expression sereine, je ne pus dire mot. Je voyais déjà le regard de Dargo braqué sur cette curieuse inconnue.

Le concours débuta. Les règles étaient simples, mais la pratique bien moins : chaque candidat devait créer une potion qui impressionnerait assez le Sage pour qu’il le retienne. Tous les Shamans présents rivalisèrent d’inventivité, fixant la barre souvent très haut. Tous, sauf Ozalee.

Je me souviendrais sans doute longtemps de ce jour. A l’instant où Ozalee se présenta devant notre sagace chef, elle eut le culot de lui proposer un remède contre la sécheresse de la peau et pour la prévention précoce des rides. Chacun la regarda de haut et se gaussa d’elle, sauf le Sage. Il éclata de rire, mais non un rire moqueur, surpris par ce petit bout de Chimère qui osait s’avancer jusqu’à lui sans la moindre prétention.

Ainsi, Ozalee devint-elle l’apprentie de Dargo le Sage. Il arrivait souvent à ce dernier d’oublier ses apprentis avec le temps, mais Ozalee s’évertuait toujours à lui plaire, à lui poser d’innombrables questions. Elle avait gagné son estime, c’était évident. Pourtant, même face à Dargo, elle semblait toujours veiller jalousement sur les secrets de son passé. La Shaman ne parlait pas d’elle-même. On racontait qu’elle s’était jurée de ne plus maudire personne. », Leï, Shaman, apprenti de Dargo le Sage.

« Je la haïssais plus que tout. Elle avait ruiné la vie de mon arrière-grand-père et elle continuait à maudire la mienne. Cette femme… monstruosité… infâme chose ? Comment la nommer ? De simples paroles avaient suffi pour tous nous détruire les uns après les autres. Aujourd’hui, j’étais ruiné. Elle m’avait tout enlevé sans même m’avoir jamais rencontré. Dans quel pétrin mon ancêtre s’était-il donc fourré pour se mettre à dos cette créature ? Je cherchais en vain des réponses dans les vieilles histoires de la famille, mais tout ce que je trouvais résidait dans le journal tout abîmé de mon arrière-grand-père. Et désormais, je ne m’appartenais même plus. Attendant dans l’ombre de savoir ce que le sort me réservait, je me promis de me venger de celle qui nous avait maudits. », Un futur esclave.

« La Magicienne d’Oz’ ? Elle tenait un salon de thé ésotérique dans la Capitale, à l’entrée même du Bas-District. Ce n’était pas bien difficile de la trouver avec tous les charmes tape à l’œil qui ornaient la porte. Elle s’était sédentarisée, quelques années plus tôt, loin du royaume des Shaman. Tant mieux, c’était plus facile pour moi de la trouver. Je lui rendais souvent visite à la Flûte Enchan’thé, quasiment tous les jours… Enfin… Hem... Disons que je la harcelais plutôt… Mais il fallait me comprendre ! Ses Caches-Chimère avaient bonne réputation dans la Capitale ! Et puis c’était une apprentie de Dargo le Sage ! Sauf que le prix… Un fauché comme moi ne pouvait même pas s’en payer le quart. Et Ozalee était inflexible ! Moi je dis qu’un commerçant doit savoir se montrer plus souple de temps en temps ; il faut fidéliser la clientèle !

Bref, je venais la harcel… voir ( !) de jour comme de nuit. Surtout la nuit en fait… Parce que je pouvais m’infiltrer dans ses rêves et la forc… supplier ( !) de me céder un Cache-Chimère pour pas cher ! Mais rien à faire. La Shaman inventa même un charme pour repousser les Ombres. Or, ce n’était qu’un prototype qui ne fonctionnait que dans son salon de thé. Du coup, je commençais à la suivre en dehors. Chose surprenante pour une solitaire comme elle : elle se rendait fréquemment à la Ruche. Sauf qu’elle revenait toujours sans esclave. Etrange rituel. Peut-être se sentait-elle seule. C’est vrai qu’à bien y regarder, j’étais son seul ami. », Asher, Ombre.